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DAME VIERNE DE BALAZUC  ET L'ORGINE DES BOIS COMMUNAUX 

 

(source « Le vieux Bourg St Andéol » Robert Labrély 1979)



Les Libéralités reçues par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de la puissante famille des Balazuc (de Baladuno), nous amènent à parler de l’un, ou plutôt de deux, de ses membres qui sont restés populaires dans toute la contrée, sous le nom unique de Dona Verna de Baladuno. Car il y eut, en réalité, deux dames Vierne.

Vierne I était épouse de Guillaume de Balazuc. Devenue veuve, elle fit profession chez les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem et leur donna, à cette occasion, neuf trentaines et treize chèvres ou brebis (sic) et, en outre, cinq cents sous viennois ou leur valeur en terre. Elle mourut vers 1220 et fut inhumée dans l’église du château de Saint-Jean d’Artignan (situé au hameau de ce nom, près de Saint Marcel d’Ardèche dont nous venons de parler).
Vierne II était la petite-fille de Vierne I, étant fille de feu Pierre de Balazuc et petite-fille de Guillaume de Balazuc. Elle était l’épouse de Dragonet de Mongragon, avec qui elle fut mariée for jeune, alors qu’il était lui-même très âgé. Assistée de sa grand-mère, elle confirma aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem établis à Saint-Jean d’Artigan, les donations faites par les seigneurs de Balazuc.
Fort jeune, elle aviat hérité de l’immense fief des Balazuc, qu’elle ne diminua, semble-t-il, que pour satisfaire à des besoins d’argent, très fréquents à cette époque.

En avril 1221, Vierne II usa de la réserve faite dans la donation de sa grand-mère : »ou l’équivalent en terre (vel valens terre) » pour reprendre aux Hospitaliers le troupeau de chèvres et brebis et les cinq cents sous viennois et leur donner en échange tout ce qu’lle avait ou pouvait avoir dans le bois et tout le tènement d’Ouol, ainsi que le mas de Marnas. Cet acte constitue donc en réalité une confirmation de la donation précédente, avec substitution à l’objet déjà donné (troupeau) d’un autre objet (forêt du Laoul et mas de Marnas) donné en remplacement.
Les termes de cet acte sont formels : « dono, laudo et condeco » (je donne, je dépose en faveur de…. Et je concède).

L’original de cette donation de 1221 se trouve aux archives des Bouches du Rhône qui ont recueilli les fonds des Hospitaliers. Les archives du Bourg en possèdent un vidimus, c’est-à-dire une copie authentique certifiée conforme par trois notaires, en date du 23 mai 1335. Ce vidimus a été inventorié avec toutes les autres archives, en 1587, par le notaire Claude Ganhat. En marge de cet inventaire, une main a porté la mention suivante, d’une écriture paraissant postérieurs : « Donation du boys de l’Ouol aux habitants du Bourg. »

Cette mention est exacte en qualifiant cet acte de donation, mais est certainement erronée en ce qui concerne sa seconde partie, car la donation est faite aux Hospitaliers de Saint-(Jean de Jérusalem et non aux habitants du Bourg.

Reste à savoir si les bois données en 1221 constituent bien la forêt actuelle communale. Pierre Pontal ne le pense pas. Et encore, comment cette forêt serait advenue des Hospitaliers aux habitants du Bourg, nos archives ne portant aucune trace de pareille mutation.


Ceci nous amène à dire quelques mots de la forêt du Laoul, quoique ses origines se perdent dans la nuit des temps.
D’abord, l’étymologie de ce nom qui paraît dériver du radical germanique lo, qui veut dire bois. Ce nom se retrouve, sous une forme un peu différente, dans plusieurs régions, notamment dans la Drôme et les Hautes-Alpes. Le mot Laoul n’a que très légèrement transformé les appellations primitives qui, d’après les plus anciens actes qui nous sont parvenus, sont tantôt ool, tantôt ouol (c’est donc bien à tort que le cadastre et la carte d’état-major ont écrit Laoult (avec un t)).

 

Dès le début du XIIIè siècle, et sans doute plus anciennement, le Boug possédait une forêt communale. Il en est fait mention aux confronts de la cession faite par Vierne aux habitants de Saint Marcel, en 1228-1229.

Comme beaucoup d’autres villes, le Bourg acheta, aux XIIè et XIIIe siècles, des bien-fonds que les seigneurs, pressés par les besoins d’argent, étaient obligés de vendre. Très souvent, ces sommes étaient destinées à l’équipement des chevaliers partant aux Croisades. Perdus ou détruits en 1562, au moment du pillage des archives du Bourg, les actes concernant ces achats ne nous sont pars parvenus, mais il en est fait mention dans plusieurs documents.
Ces bois proviennent, en tous cas, de trois origines certaines :

1° - Vente par Almaric de Rochefort, dont nous ignorons la date exacte, paraissant se situer vers 1260.
2° - Donation par Guillaume de Balazuc, qui était le fils de Vierne II, en date du 25 octobre 1288, en reconnaissance de services rendus. Ce terrain confronte les bois déjà achetés à Alamaric de Rochefort. Guillaume de Balazuc se réserve notamment la chasse des sangliers et des chevreuils. Il s’agit bien là d’une véritable donation, sans contrepartie.

3° - D’autres acquisitions sont mentionnées dans un acte de 1308 qui délimite une partie du Laoul resté longtemps indivise entre les communes du Bourg et de Saint-Montan.
Signalons enfin une transaction de 1337, entre les recteurs du Bourg et Guy et Lambert de Châteauneuf, seigneurs de Saint-Remèze, aux termes de laquelle, notamment, ces derniers se réservent la haute et basse justice, le quart des cerfs et chevreuils et la tête des sangliers que seront tués à la faysse de Marnas.

Postérieurement à ce temps lointains, l’histoire du Laoul reste encore à écrire en détail (Pierre Pontal  EN RELATE L4UN DES 2PISODES LES PLUS CURIEUX ? QUE NOUS R2SUMONS CI6APR7S ? DANS LA Revue du Vivarais, tome LXIII, 1959, n°1) Nos riches archives en possèdent cette fois tous les éléments. Signalons succinctement tois tentatives de vente ou de partage entre les habitants :
1° Au début du XVIIe siècle, la communauté était fort endettée (93 000 livres). Elle avait dû payer des sommes importantes, soit pour éloigner le baron des Adrets, soit pour subvenir à l’entretien des troupes qui y séjournèrent pendant les guerres de religion. On décida de vendre les biens communaux. Mais un cordonnier nommé César Tailland, forma un syndicat di du Petit Peuple, fit opposition à la vente et formula une requête aux intendants. Il soutenait que les dépenses avaient été engagées pour protéger les bien des marchands et des bourgeois, qui seuls devaient en supporter les conséquences, tandis que les biens communaux appartenaient à tous les habitants « à qui is avaient été donnés ». Il fut débouté à ce sujet et les intendants du Languedoc autorisèrent la vente des biens communaux. Mais Tailland avait ameuté le peuple et les consul se succédèrent sans parvenir à une solution. On augmenta les impôts, la vente des îles du Rhône et de quelques terres contiguës aux bois suffirent à payer les dettes de la ville, tout en conservant le Laoul.
2° Lors de la Révolution de 1789, une loi du « 10 juin 1793, style esclave », obligea les communes à partager les biens communaux entre les habitants. Malgré une circulaire comminatoire du Directoire du district de Coiron, la communauté de Bourg Saint Andéol n’obéit pas à cette loi , que cette mise en demeure qualifie pourtant de « bienfaisante ».

3° En 1830, un vaste mouvement souleva le Bourg en vue du partage de la forêt du Laoul entre les habitants. Mais en 1832, le préfet refusa cette autorisation comme contraire aux dispositions de l’article 92 du Code forestier. Tenaces, les Bourguésans changèrent leur fusil d’épaule et demandèrent, non plus le partage, mais l’aliénation. Des pétions à cet effet circulèrent à plusieurs reprises dans le pays, réunissant chaque fois plus de cinq cents signatures. Le Conseil municipal appuya cette demande par de nombreuses délibérations, curieusement motivées : « la demeure des hommes peut aisément remplacer le gîte des fauves ».

L’autorité compétente adopta la tactique de la sourde oreille et l’affaire traînait encore lorsque éclata la Révolution de 1848. Cette fois, les Bourguésans réclamèrent le partage avec une telle violence que le maire, partisan lui-même de ce partage, dut les rappeler au clame. C’est alors qu’on chantais danas les rues la chanson de Madame Vierne, avec son refrain, sur l’air de la Carmagnole :

Madame Vierno nous a dit
Entans vous fouù bien diverti
Lou Loou, vous l’ai donna
Vous lou foou partagea
Vive Madame Vierno
Vive lou Loou
Qué nous lou foou.

Le Conseil municipal appuya de son autorité ce mouvement populaire par une délibération prise à l’unanimité le 13 mars 1848.

Puis le calme se rétablit. Les Bourguésans revinrent à la raison et, plus tard, chantèrent :

S’avian partagea notre Loou
La communo aurié plus lou soou
Foou se félicité
Que noun se siégue fa.

Car durant sept siècles le Laoul, avec ses mille huit cents Trent-sept hectares, fut, pour la commune du Bourg, une source de revenus très variés : la plus importante était la vente des coupes de bois. De plus, jusqu’à ces derniers temps, la commune délivrait, contre paiement, des cartes pour le ramassage des glands, mettait en adjudication la récolte des truffes, des herbes industrielles (thym, lavande, aspic),  la cueillette des graines tinctoriales et des feuilles de sumac, taxait le droit de pâturage par tête d’ovin, délivrait gratuitement des cartes aux habitants pour le ramassage du bois mort, de la bruyère pour l’élevage des vers à soie, du buis qu’on hachera menu pour en faire la litière des animaux et qui constituera un engrais excellent. Les permis de chasse seront aussi une ressource communale.

Ce sont tous ces revenus qui ont permis d’assurer, sans la moindre augmentation d’impôts, le service des annuités de l’emprunt de 160 000 francs (souscrit à 332 000 francs), dont le montant à servi, en 1888,  pour l’adduction des eaux de la rivière de Saint-Montan et l’installation de l’éclairage électrique public, luxe extrêmement rare à cette époque.

‘est alors que  fut érigée, sur la place du Champs de Mars, la statue de Madame, Vierne, Å“uvre du sculpteur Delorme, grand prix de Rome, sortie des ateliers de MM Baussan et Bouvas, sculptée en marbre blanc de Carrare, dominant une fontaine monumentale sur les trois vasques de laquelle sont harmonieusement  groupés les attributs symboliques de la forêt du Laoul.

Même si Madame Vierne n’est pour rien dans l’origine de la forêt du Laoul Bourguésane, elle a laissé dans toute la contrée le souvenir d’une personne bienfaisante et charitable.


Cette tradition est étayée par des documents de sources sûres. Nous ne citerons que cette lettre que les consuls de Gras écrivaient à ceux de Donzère, le 5 mai 1618 : « Vous auriez affaire du testament ou donations de feue dame Vierne de Baladun, fonderesse de plusieurs bienfaits qu’elle fit en plusieurs lieux, à Saint-Montan, Le Bourg, Saint-Marcel et Gras » (Archives de Donzère GG4).

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